Un lieu pour la Parole : où placer l’ambon ?

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Chapelle Saint-François-de-Sales, Paris 7e (CEF)

Par le Frère Pierre-Benoît et Claire Mouly

La liturgie de la Parole est une action dans un site. Le lieu est à penser de telle sorte qu’il optimise l’acte lui-même. Il est indissociable de l’Eucharistie et du ministre célébrant. Cette Parole s’adresse à toute l’Église, elle va aussi au-delà du jour présent. La qualité de l’ambon participe à la mise en place de cette médiation, dans sa relation avec l’autel, la présidence et l’assemblée. Les croquis présentés montrent des configurations possibles avec, pour chacune, des atouts et des limites.

Le face à face entre l’assemblée et le chœur

C’est la situation la plus courante (A). L’ambon peut se trouver à droite de l’autel ou à gauche, en avant ou légèrement derrière, mais toujours en lien avec lui et la présidence, dans un rapport frontal à l’assemblée. C’est le schéma classique de la plupart des églises conçues et construites pour des liturgies antérieures à Vatican II, même lorsque que le chœur a été réaménagé suivant les directives conciliaires. Cette situation permet une bonne visibilité de tous, mais la disposition de type enseignant/enseigné peut entraîner une forme de passivité de l’assemblée dans la réception de la Parole, et produit une immédiateté qui ne convient pas à l’universel de ce qui se passe au moment de la lecture.

Une frontalité atténuée

Des recherches spatiales ont permis, tout en tenant compte des contraintes architecturales, de sortir de la frontalité directe en proposant une avancée de l’espace liturgique dans l’assemblée. L’ambon est généralement placé en avant de l’autel. L’assemblée est alors moins passive, elle est associée à l’acte de lecture. Mais le lecteur tourne le dos à certains des membres de l’assemblée. Et comme dans la configuration précédente, il y a le risque d’une parole trop prégnante[1].

Un ambon en arrière de l’autel

Dans certains lieux qui répondent aux critères précédents, l’ambon a été placé en arrière de l’autel, pour des raisons d’échelle, de contraintes architecturales ou de visibilité. Cette position n’est pas gênante en soi à condition que l’audition soit bonne et que la proportion soit respectée dans le rapport à l’autel, l’assemblée et l’architecture. La proclamation est plus distanciée. Et elle informe sur ce qui va se passer à l’autel. Une profondeur spatiale est introduite entre l’autel et l’ambon, comme une ouverture à la dimension universelle de cet acte. La lecture à l’ambon va au-delà de l’assemblée présente. Un bon éclairage peut atténuer, si nécessaire, l’effet d’éloignement spatial.

La bipolarité autel / ambon

Pour permettre une participation plus active de l’assemblée, certains ont souhaité sortir du schéma frontal, proposant une bipolarité où l’ambon forme un deuxième pôle en vis-à-vis de l’autel (B). L’assemblée est alors placée soit en forme de U, soit en ellipse, soit en face à face de part et d’autre de l’axe autel/ambon, à la manière des chœurs monastiques. Dans cette configuration, l’assemblée accueille le sanctuaire en son sein. La place donnée au vide dans cet espace est alors essentielle. Le vide, ainsi proposé, dit quelque chose de l’insaisissable du mystère qui se déroule et réintroduit la dimension eschatologique du lieu. Il est important de bien distinguer les deux pôles sans forcer sur la charge iconique de l’ambon, afin que l’assemblée soit orientée vers l’autel lors de la liturgie eucharistique. Le lecteur à l’ambon est dans une position d’adresse universelle. La Parole y est proclamée en soi, sans risque de mise en scène. Le lecteur n’est pas distrait par l’assemblée. Par contre, il y a pour chacun une exigence de tenue réciproque à cause du vis-à-vis de l’assemblée qui peut gêner et détourner l’attention des participants. Il est plus aisé de concevoir ce type de disposition pour une construction nouvelle que lors d’un réaménagement liturgique dans une église ancienne. On trouve des réalisations intéressantes en Belgique et en Allemagne.

Les trois pôles en relation triangulaire

Ce plan est une variante de la proposition précédente. Il est expérimenté actuellement à l’église Saint-Ignace, à l’initiative des Jésuites (C). Il a l’avantage d’orienter le regard vers l’autel et de lui donner la priorité, tout en honorant la place de l’ambon et de la présidence. Le vide introduit entre les trois pôles laisse la possibilité au cérémonial de l’évangéliaire de se déployer au regard de tous[2].

Une liturgie itinérante

On trouve aussi des organisations spatiales particulières avec la création d’un espace spécifique pour la liturgie de la Parole autre que celui de la liturgie eucharistique, nécessitant un déplacement de l’assemblée au moment de l’offertoire (D). Cette utilisation dynamique de l’espace peut être féconde pour l’implication des fidèles à la messe. Mais se pose alors la question de l’habitation visuelle de cet espace de la Parole quand il est déserté: que donne-t-on à voir de ce lieu d’écoute vide avec des objets laissés sur les chaises? Il est important qu’il soit réinvesti à la fin de la liturgie. L’accent est mis sur le temps de la parole, mais le lien fondamental qui unit l’autel et l’ambon comme une seule et même présence de Jésus-Christ au milieu de nous risque d’être moins sensible dans ce type de configuration[3].

Il reste, dans certains édifices, une grande difficulté à trouver une place pour l’ambon : une église très petite avec un chœur trop étroit pour mettre autour de l’autel l’ambon, le siège du célébrant et le pupitre de l’animateur de chant; des colonnes qui empêchent de voir le lecteur à l’ambon; une barrière de communion qui crée une forte séparation entre l’assemblée et le lecteur ? Certaines des configurations présentées ici peuvent aider à choisir, malgré ces contraintes, un lieu juste pour l’ambon.

Article extrait des Chroniques d’art sacré, n°85, printemps 2006, p 13-15.

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[1] Cf. Chroniques d’art sacré n° 80, page 20, L’aménagement du chœur de Saint-Joseph de Waterloo, Belgique. // [2] Cf. Chroniques d’art sacré n° 78, page 16, photo de l’église Saint-Ignace, Paris 75006. // [3] Cf. Chroniques d’art sacré n° 84, page 23, Saint-Maurice de Lille, une église en mouvement, et Chroniques d’art sacré n° 53, page 24, Parole et eucharistie, le réaménagement de l’église de Chatenay en France.

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