Mariage et eucharistie : célébrer l’Alliance

18 octobre 2014 : Eucharistie, lors du mariage d'Anaïs et Jean-Baptiste célébré à l'égl. Saint-Ambroise, Paris (75), France.

18 octobre 2014 : Eucharistie, lors du mariage d’Anaïs et Jean-Baptiste célébré à l’égl. Saint-Ambroise, Paris (75), France.

Par André Leclercq, père abbé

Mariage et eucharistie – chacun à leur manière – actualisent l’Alliance.

Célébrer l’Alliance

Il y a un lien évident entre le mariage et l’eucharistie : ces deux sacrements, chacun à sa manière, actualisent l’Alliance, le lien d’amour de Dieu avec son peuple. Tant de textes bibliques expriment cette Alliance que Dieu veut faire avec son peuple et qu’il réalise pleinement en épousant l’humanité en la personne de Jésus.

Les époux, à leur manière, actualisent cette Alliance :

« C’est comme cela que le mari doit aimer sa femme : comme son propre corps … C’est ce que fait le Christ pour l’Église, parce que nous sommes les membres de son Corps. » (Éphésiens 5, 28-29)

Toute la vie, l’alliance portée au doigt rappelle aux époux chrétiens qu’ils sont entrés sacramentellement dans cette Alliance.

L’eucharistie, quant à elle, rend présente chaque fois l’Alliance nouvelle et éternelle. En y livrant son corps, Jésus exprime à son épouse son amour sans limites : « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie … » (Jean 15, 13)

Ainsi, dans le même mouvement où l’Église célèbre et accueille chaque dimanche l’Alliance de Dieu avec l’humanité, les époux chrétiens pourront, à chaque eucharistie, ré-activer leur alliance mutuelle, renouveler leur « oui » à l’autre et à Dieu. La communion au corps du Christ les aidera à s’aimer comme Dieu nous aime, en s’oubliant soi-même pour que l’autre vive.

Des situations concrètes

Si donc les fiancés sont baptisés, s’ils ont une bonne connaissance et une bonne pratique de l’eucharistie, la célébration du mariage au cours de la messe aura tout son sens et ils pourront communier au repas de l’Alliance.

On est cependant rarement dans cette situation, « normale » pour le Droit Canonique, mais exceptionnelle dans beaucoup de lieux.

« Très souvent, la célébration du sacrement de mariage ne se fait pas au cours de l’eucharistie. On peut le regretter, étant donné que, dans l’action eucharistique, l’Alliance Nouvelle est commémorée. Il en est ainsi car les futurs époux et/ou les personnes venues les entourer ne sont pas à même de participer à l’eucharistie. Durant la préparation, les fiancés peuvent, certes, découvrir le mystère de l’eucharistie. Cependant, les invités participent rarement à la préparation. (…) Le choix de l’eucharistie, et donc de la communion eucharistique, devra être réfléchi en tenant compte tout spécialement des invités qui ont de plus en plus tendance à pratiquer la communion de convenance sociale lors de telles célébrations. » (Commission épiscopale de liturgie et de pastorale sacramentelle)1

Les agents pastoraux (CPM, foyers accueillants, diacres, prêtres) sont donc appelés à rencontrer toutes les situations possibles. Ce sera parfois des jeunes venant tous deux de familles chrétiennes, ayant gardé un lien vivant avec une communauté et avec l’eucharistie, ou, à l’inverse, un couple dont l’un n’est pas baptisé(e) et l’autre pas catéchisé(e). On pourra aussi trouver toutes les situations intermédiaires et s’interroger alors sur l’opportunité de célébrer le mariage au cours de la messe.

Se donner quelques repères

Il n’y a pas de règle absolue. On ne peut que se donner des éléments d’appréciation.

« Bien des mariages sont célébrés sans la messe. Celle-ci n’est pas un moyen de donner plus d’éclat ou de valeur au mariage. »2

La plupart des couples ne demandent pas la messe pour leur mariage. Leur lien ténu avec l’Église, leur difficulté à reconnaître sa foi ne les y incite pas. Nous ne pouvons juger de leur degré de foi ni des motivations profondes qui les animent, mais nous sommes interrogés par les demandes de célébration sans lien visible avec une communauté chrétienne. Il m’arrive de les inviter à venir une ou plusieurs fois à l’assemblée dominicale avant leur mariage, mais tous ne donnent pas suite à cette invitation.

D’autres, il est vrai, souhaitent se marier au cours d’une messe alors que l’un des deux n’est pas catéchisé, voire pas baptisé, ou – le plus souvent – alors qu’ils n’ont plus de pratique eucharistique depuis des années. Comme agents pastoraux, et comme pratiquants réguliers, nous avons souffert des abandons de la pratique eucharistique par des êtres chers. L’eucharistie a une telle importance pour nous, que nous nous sentirions coupables de manquer la messe. Ce n’est bien sûr pas le cas de beaucoup parmi ceux qui demandent le mariage. Mais pouvons-nous leur en tenir rigueur ? La pratique religieuse n’est pas le seul critère à prendre en compte pour apprécier qui ils sont et discerner de l’opportunité de célébrer l’eucharistie au cours du mariage. C’est le dialogue et l’écoute qui permettront de chercher la meilleure solution : il se peut que la messe et sa préparation permettent une réelle avancée ; il se peut, à l’inverse, qu’une telle célébration apparaisse totalement factice.

Parfois, ce sont les parents qui n’imaginent pas que leurs enfants puissent se marier sans messe et, plus ou moins consciemment, font pression sur eux. Leur insistance peut parfois aider comme elle peut aussi fausser la démarche des jeunes. C’est pourtant avec ces derniers que la décision définitive devra être prise.

Quelques questions peuvent aider à clarifier le choix des futurs :

  • Leurs invités, ou au moins une part d’entre eux, sont-ils en mesure de participer à l’eucharistie et d’y communier ?
  • Eux-mêmes sont-ils capables de faire un effort réel de participation à l’eucharistie dans le temps de leur préparation au mariage, et ensuite ?
  • Sont-ils en mesure, avec leurs invités, de prendre une part active à l’eucharistie ?

Les situations pastorales et les traditions locales sont diverses et il importe – dans un même secteur pastoral – de se concerter, et de pouvoir consulter dans les cas litigieux. L’accord ou le refus systématique de l’eucharistie n’est sans doute pas une attitude pastorale saine. Elle risque de faire l’économie d’une attention aux personnes concrètes et aux situations tellement diverses.

Enfin, il faut, et il faudra sans doute de plus en plus, tenir compte des possibilités concrètes des prêtres : « Dans certains lieux, il est difficile de célébrer la messe, car le prêtre doit assurer plusieurs mariages et desservir d’autres paroisses. »3 Il serait dommage que seuls ceux qui ont des prêtres dans leurs relations puissent bénéficier d’un mariage avec messe (ce qui, en aucun cas, n’est une raison suffisante).

Article extrait de la revue Célébrer n°296

1. « Points de repère en Pastorale sacramentelle – Les sacrements de l’initiation chrétienne et du mariage », Documents Episcopat n°10/11, juin 1994), p.4-6 ; et coll. « liturgie » n°7, éd.Cerf, 1996.

2. « Notre mariage à l’Église », Fêtes & Saisons hors-série, 1993, p.16.

3. Idem

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