Le chapelet à la Miséricorde divine

22 mars 2016 : Portrait de Sainte Faustine KOWALSKA, dans une chapelle de la crypte de la Basilique de la Divine Miséricorde, dans le quartier de Cracovie-Łagiewniki. Cracovie, Pologne. March 22, 2016: Portrait of St. Faustina Kowalska, in a chapel located in the crypt of the Basilica of the Divine Mercy in Krakow-Lagiewniki neighbourhood. Krakow, Poland.

22 mars 2016 : Portrait de Sainte Faustine KOWALSKA, dans une chapelle de la crypte de la Basilique de la Divine Miséricorde, dans le quartier de Cracovie-Łagiewniki. Cracovie, Pologne.

Par le père Arnaud Toury, Prêtre, délégué PLS du diocèse de Reims

Le renouveau d’intérêt pour la miséricorde n’est pas que théologique ou pastoral. Depuis quatre-vingts ans, il est aussi largement dévotionnel. Au-delà des questions de sensibilité, que peut nous apprendre une pratique populaire comme celle de ce petit chapelet ?

Depuis la canonisation de sainte Faustine et l’instauration de la fête de la Miséricorde par Jean-Paul II en l’année 2000, la pratique dévotionnelle du chapelet à la Miséricorde divine, qui leur est liée, s’est trouvée davantage mise en valeur. Nous voudrions en analyser brièvement la portée spirituelle et les implications liturgiques.

Une forme récente de dévotion

La formule du chapelet à la Miséricorde divine a été communiquée à sœur Faustine Kowalska, dans le cadre d’une révélation privée le 13 septembre 1935, et consignée dans son Petit Journal (n° 473-475). Cette prière se fait comme suit : avec un chapelet ordinaire, après le signe de croix, prier un Notre Père, un Je vous salue Marie et le Je crois en Dieu, puis pour chaque dizaine, dire sur le gros grain « Père éternel, je t’offre le Corps et le Sang, l’Âme et la Divinité de ton Fils bien-aimé Notre-Seigneur Jésus-Christ en réparation de nos péchés et de ceux du monde entier », ensuite sur chaque petit grain « Par sa douloureuse Passion, sois miséricordieux pour nous et pour le monde entier », enfin, pour conclure, répéter trois fois l’invocation : « Dieu saint, Dieu fort, Dieu éternel, prends pitié de nous et du monde entier ».

Une formule datée

De prime abord, le langage de cette prière semble difficile : les accents théologiques et spirituels d’aujourd’hui ne sont pas les mêmes que ceux des années 30. Comme dans le canon romain (ou prière eucharistique 1, seule employée avant la réforme conciliaire) la personne de l’Esprit Saint n’est pas nommée dans le chapelet à la Miséricorde (sauf dans la récitation du Je crois en Dieu). Cette absence de mention n’est pas un oubli, mais repose sur la conviction que toute prière est insufflée en nous par l’Esprit et donc qu’il est implicitement présent. De même, l’insistance sur la Passion douloureuse du Seigneur peut paraître excessive, et déséquilibrer la présentation intégrale du Mystère pascal, mais elle est tout à fait conforme à la théologie du salut telle qu’enseignée à l’époque. Il paraît que Jean-Paul II, à titre personnel, récitait : « par sa douloureuse Passion et sa Résurrection, sois miséricordieux… » Par ailleurs, la récitation de ce chapelet est étroitement liée à la vénération de l’icône du Christ miséricordieux, qui représente le Ressuscité montrant la plaie de son cœur.

Une petite « prière eucharistique » à l’usage des fidèles

Il ne faudrait pas, au vu de ces carences apparentes, ignorer le trésor que constitue cette prière. La formule « Père éternel, je  t’offre le Corps et le Sang, l’Âme et la Divinité de ton Fils bien-aimé Notre-Seigneur Jésus-Christ en réparation de nos péchés et de ceux du monde entier » est hautement eucharistique. Elle cite l’affirmation du concile de Trente (session XIII, canon 1) :

« Le Corps et le Sang de Notre Seigneur Jésus-Christ, avec son Âme, et sa Divinité, et par conséquent Jésus-Christ tout entier, sont contenus véritablement, réellement, et substantiellement dans le Sacrement de la Très-Sainte Eucharistie ».

Mais surtout, elle situe la prière des fidèles comme une extension de l’offrande eucharistique célébrée au cours de la messe : « Père éternel, je t’offre… ton Fils bien-aimé ». L’offrande du Christ, par amour pour le Père et pour le monde que réalise l’eucharistie, est vraiment le moyen unique de réparation de nos péchés : nulle autre offrande que celle de Dieu lui-même, nul autre sacrifice qui viendrait des hommes, ne peut restaurer la communion entre l’humanité et Dieu.

Entrer profondément dans l’Eucharistie

Le chapelet à la Miséricorde, en quelques mots, condense le contenu le plus haut de la prière de l’Église. Sa récitation toute simple replace le fidèle qui la pratique devant l’amour du Christ qui nous sauve, un amour qui va jusqu’au bout (Jn 13, 1), un amour vraiment miséricordieux, puisqu’il veut réparer, restaurer, notre relation avec le Père. La prière du chapelet à la Miséricorde peut attiser en chacun le désir de participer toujours plus pleinement, consciemment et activement, à l’offrande du Christ, en s’unissant à lui dans la célébration de l’eucharistie. De la sorte, elle s’offre comme un moyen d’extension de la prière liturgique pour conduire à une vie tout entière eucharistique.

Le lien vivant entre dévotion et liturgie

Ainsi, malgré quelques déséquilibres théologiques, mais avec la force de sa simplicité de mise en œuvre, la pratique du chapelet à la Miséricorde divine illustre bien le rapport entre la liturgie et les formes de dévotion. Le concile Vatican II, dans Sacrosanctum Concilium (SC), recommande la pratique des pieux exercices, « du moment qu’ils sont conformes aux lois et aux normes de l’Église ». Il précise qu’ « ils doivent être réglés de façon à s’harmoniser avec la liturgie, à en découler d’une certaine manière, et à y introduire le peuple parce que, de sa nature, elle leur est de loin supérieure » (SC n° 13).

Les pratiques dévotionnelles authentiques sont comme autant de vaisseaux qui diffusent la vie spirituelle dans les différents membres du corps ecclésial, en respectant leur variété. La liturgie en demeure le cœur battant, d’où toutes prennent leur source et où toutes doivent converger.

Bibliographie

Petit Journal de sœur Faustine, Marquain (Belgique), Hovine, 1985.

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