Exhortation apostolique Marialis cultus

EXHORTATION APOSTOLIQUE MARIALIS CULTUS DE SA SAINTETÉ LE PAPE PAUL VI SUR LE CULTE DE LA VIERGE MARIE

Vénérables Frères,

Salut et Bénédiction apostolique

Depuis que nous avons été élevé au siège de Pierre, nous nous sommes constamment efforcé d’intensifier le culte marial, non seulement pour répondre au sentiment de l’Église et à notre inclination personnelle, mais aussi parce que ce culte, comme on le sait, tient une place très noble dans l’ensemble du culte sacré, où se rencontrent le faîte de la sagesse et le sommet de la religion [1] et qui constitue donc une tâche primordiale du Peuple de Dieu.

C’est justement en vue d’une telle tâche que nous avons sans cesse aidé et encouragé la grande œuvre de la réforme liturgique promue par le Concile œcuménique Vatican II, et ce n’est certes pas sans un dessein particulier de la divine Providence que le premier document conciliaire que, en union avec les vénérables Pères, nous avons approuvé et signé « dans l’Esprit Saint » fut la Constitution Sacrosanctum Concilium, qui se proposait précisément de restaurer et de développer la liturgie, en rendant plus bénéfique la participation des fidèles aux mystères divins [2]. Depuis lors, bien des actes de notre pontificat ont eu pour but l’amélioration du culte rendu à Dieu, comme le montre le fait d’avoir promulgué ces dernières années nombre de livres du Rite romain, restaurés selon les principes et les normes de ce même Concile. Nous en remercions vivement le Seigneur, auteur de tout bien, et nous sommes reconnaissant aux Conférences épiscopales et à chacun des évêques, qui, de diverses manières, ont collaboré avec nous à la préparation de ces livres.

Mais, tout en considérant avec joie et gratitude le travail accompli et les premiers résultats positifs du renouveau liturgique, qui sont destinés à se multiplier au fur et à mesure que la réforme sera mieux comprise dans ses motivations profondes et correctement appliquée, notre sollicitude vigilante ne cesse de se tourner vers tout ce qui peut permettre de réaliser de façon ordonnée la restauration du culte par lequel l’Église, en esprit et en vérité (cf. Jn 4, 24), adore le Père, le Fils et l’Esprit Saint, vénère avec un amour particulier la bienheureuse Marie, Mère de Dieu [3] » et honore avec un religieux respect la mémoire des martyrs et des autres saints.

Le développement, que nous souhaitons, de la dévotion envers la Vierge Marie, dévotion qui, nous l’avons dit plus haut, s’insère au centre du culte unique appelé à bon droit chrétien – car c’est du Christ qu’il tire son origine et son efficacité, c’est dans le Christ qu’il trouve sa pleine expression et c’est par le Christ que, dans l’Esprit, il conduit au Père –, est un des éléments qui qualifient la piété authentique de l’Église. Par nécessité intime, en effet, celle-ci reflète dans la pratique du culte le plan rédempteur de Dieu : à la place toute spéciale que Marie y a tenue correspond un culte tout spécial envers elle [4] ; de même chaque développement authentique du culte chrétien entraîne nécessairement un accroissement proportionné de vénération pour la Mère du Seigneur. Du reste, l’histoire de la piété montre comment « les formes diverses de piété envers la Mère de Dieu, que l’Église a approuvées, en les maintenant dans les limites d’une saine doctrine orthodoxe » [5], se développent dans une subordination harmonieuse au culte du Christ et gravitent autour de lui comme autour de leur point de référence naturel et nécessaire. Ainsi en advient-il également à notre époque.

La réflexion de l’Église contemporaine sur le mystère du Christ et sur sa propre nature l’a amenée à trouver, à la racine du premier et comme couronnement de la seconde, la même figure de femme : la Vierge Marie, Mère précisément du Christ et Mère de l’Église. Et la connaissance plus profonde de la mission de Marie s’est transformée en vénération joyeuse envers elle et en respect plein d’adoration pour le sage dessein de Dieu, qui a placé dans sa Famille – l’Église –, comme en tout foyer domestique, la figure d’une femme qui, discrètement et en esprit de service, veille sur elle « et dirige sa marche vers la patrie, jusqu’à ce que vienne dans la gloire le jour du Seigneur » [6].

À notre époque, les changements survenus dans les mœurs, dans la sensibilité des peuples, dans les modes d’expression de la littérature et des arts, dans les formes de communication sociale ont influencé également les manifestations du sentiment religieux. Certaines pratiques cultuelles qui, naguère encore, s’avéraient aptes à exprimer le sentiment religieux des individus et des communautés chrétiennes, semblent aujourd’hui insuffisantes ou inadaptées parce que liées à des schémas socioculturels du passé, alors qu’un peu partout on cherche de nouvelles formes d’expression de l’immuable rapport des créatures avec leur Créateur, des fils avec leur Père. Cela peut amener certains à être momentanément désorientés : mais si, en esprit de confiance en Dieu, on réfléchit sur de tels phénomènes, on découvre que bien des tendances de la piété contemporaine – par exemple l’intériorisation du sentiment religieux – sont appelées à concourir au développement de la piété chrétienne en général et de la piété envers la Vierge en particulier. Ainsi notre époque, fidèlement à l’écoute de la tradition et attentive aux progrès de la théologie et des sciences, apportera sa contribution à la louange de Celle que, selon les paroles prophétiques, toutes les générations proclameront bienheureuse (cf. Lc 1, 48).

Nous estimons donc qu’il est du ressort de notre service apostolique de traiter, comme en un dialogue avec vous, vénérables Frères, quelques thèmes relatifs à la place que la bienheureuse Vierge occupe dans le culte de l’Église. Ces thèmes ont déjà été abordés en partie par le Concile Vatican II [7] et par Nous-même [8] ; mais il n’est pas inutile d’y revenir pour dissiper des doutes et, surtout, pour favoriser le développement de cette dévotion à la Vierge qui, dans l’Église, trouve ses motivations dans la Parole de Dieu et s’exerce dans l’Esprit du Christ.

Nous voudrions, par conséquent, nous arrêter sur quelques questions concernant les rapports entre la liturgie et le culte de la Vierge (I) ; proposer des considérations et des directives aptes à favoriser le légitime développement de ce culte (II) ; enfin, suggérer quelques réflexions pour une reprise vigoureuse et plus consciente de la récitation du Rosaire, dont la pratique a été recommandée avec insistance par nos prédécesseurs et s’est tellement répandue dans le peuple chrétien (III).

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