Baptême et funérailles

25 juin 2006: Geste de bénédiction sur le cercueil d'un défunt. Crématorium de la Balme de Silingy (74), FrancePar Angelo Sommacal, Directeur-adjoint du SNPLS

 

Comment la célébration des funérailles fait-elle mémoire du baptême et manifeste-t-elle la foi dans le mystère de la résurrection ?

Toute la pensée du Seigneur pourrait se résumer dans cette parole dont saint Jean a fait l’un des thèmes majeurs de son évangile : « Je suis venu pour que les hommes aient la vie, pour qu’ils l’aient en abondance (Jn 10, 10).

Devant une telle affirmation, comment peut-on encore parler de la mort ? Car c’est bien cette dernière réalité qui semble ternir toute abondance de vie, désirée ou vécue, quels que soient la situation ou l’âge de celui ou celle qui meurt. Réalité toujours vécue comme une incompréhension, parfois comme un scandale. Le Père Duval chantait : « Il n’a pas eu, bonnes gens, tout son compte de vie, le p’tit gamin du voisin qu’on enterre ce matin ».

Pourtant, Jésus pouvait le proclamer : « Je suis venu pour que les hommes aient la vie… ». Car, s’insérant lui-même dans le mystère de la mort, il le fait éclater en mystère de vie ! Pour le Christ, la mort est un passage vers la résurrection, et c’est dans ce mouvement que nous sommes engagés depuis notre baptême.

 

Le baptême, mystère de mort vers la vie

Saint Paul, parlant du baptême, expliquait aux chrétiens de Rome :

« Nous avons été mis au tombeau avec lui pour que nous menions une vie nouvelle nous aussi, de même que le Christ, par la toute-puissance du Père, est ressuscité d’entre les morts. Car, si nous sommes déjà en communion avec lui par une mort qui ressemble à la sienne, nous le serons encore par une résurrection qui ressemblera à la sienne. » (Ro 6, 4-5)

 

C’est en effet au baptême que commence la mort du chrétien

Puisque mourir, pour le chrétien, c’est entrer dans la vie éternelle, dès que nous commençons à vivre de cette vie éternelle de Dieu, nous commençons à accomplir notre mort.

Toute la vie chrétienne est une « mortification » qui fait pénétrer davantage en notre être la vie divine. Si le baptême plonge le nouveau chrétien dans la mort du Christ, cette mort doit être rendue effective par toute la vie chrétienne, qui apparaît ainsi tout entière comme un mystère de mort et de résurrection, de mortification et de vivification. Ce thème est essentiel pour Pierre qui, dans sa première lettre, écrit :

« Être baptisé, ce n’est pas être purifié de souillures extérieures, mais s’engager envers Dieu avec une conscience droite, et participer ainsi à la résurrection de Jésus Christ. » (1 P 3, 24)

Et saint Paul d’écrire aux Colossiens :

« Frères, vous êtes ressuscités avec le Christ. Recherchez donc les réalités d’en haut : c’est là qu’est le Christ, assis à la droite de Dieu. Tendez vers les réalités d’en haut, et non pas vers celles de la terre. En effet, vous êtes morts avec le Christ, et votre vie reste cachée avec lui en Dieu. Quand paraîtra le Christ, votre vie, alors vous aussi, vous paraîtrez avec lui en pleine gloire. » (Col 3, 1-4)

 

Tout cela n’est encore que germe

Le baptisé doit participer de plus en plus à la mort du Christ, et cette participation doit atteindre son sommet à l’heure de sa propre mort.

La vie qu’il a reçue de Dieu, il la « remet» au Père dans l’acte d’offrande le plus parfait qui consiste à donner librement sa vie ; et dans la foi, l’espérance et l’amour, il attend de Dieu son entrée dans la vie éternelle et la résurrection de son corps. Comme Jésus Christ.

On voit ainsi que toute mort chrétienne est un accomplissement de la Pâque : elle fait passer de ce monde vers le Père. Délivrance par la mort du Christ, victoire sur la mort, passage vers le Seigneur, c’est donc vraiment une Pâque. Plus précisément, c’est comme l’entrée dans la Terre promise, fin du désert avec le passage du Jourdain. Le repos éternel n’est pas le sommeil du cimetière, mais le repos que Dieu voulait offrir à son peuple après les combats : « Dans ma colère, j’en ai fait le serment : jamais ils n’entreront dans mon repos » (Ps 94, 11), ce repos qu’il donnera néanmoins par Jésus ainsi que nous le rappelle Matthieu 11, 28 : « Venez à moi, et moi, je vous procurerai le repos ».

 

La vie chrétienne, une Paque

Il n’est peut-être pas d’étape de la vie chrétienne qui soit aussi ritualisée que la mort. Or, le rituel des funérailles reprend les gestes du baptême, accomplissant le rituel de ce dernier dans l’espérance d’une entrée définitive dans la vie de Dieu :

À la vigile pascale comme au baptême, est allumé le cierge pascal symbolisant le Christ ressuscité. C’est de ce même cierge présent aux funérailles que la lumière sera transmise aux cierges placés près du corps du défunt, signe de l’espérance en sa résurrection.

À cette même vigile pascale, est solennellement bénite l’eau qui servira aux baptêmes. Car cette eau est symbole de vie[1]. Nous la retrouvons au moment du rite du dernier adieu et, comme au baptême, le signe de la croix est tracé sur les défunts. Auparavant, une croix a pu même être déjà déposée sur le cercueil.

À la bonne odeur du saint chrême par lequel le baptisé devient prêtre, prophète et roi, fait écho l’odeur de l’encens en signe de respect pour ce corps marqué de sa triple dignité baptismale.

Enfin, dans certains rites (dominicain, etc.), on retrouve aussi la litanie des saints au moment du dernier adieu, comme on a pu la chanter à la vigile pascale et au baptême.

Ainsi est mieux signifié, lors des funérailles, que la vie éternelle qui nous est déjà donnée en germe, par le Christ ressuscité, dans le baptême, s’accomplit pleinement au moment de notre mort. Si nous avions vraiment conscience de cette Pâque merveilleuse que nous sommes appelés à vivre, nous pourrions dire alors comme sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus et de la Sainte-Face[2] : « Je ne meurs pas, j’entre dans la Vie ! »

[1] Voir Ez 47, 9 : « Sous le seuil du Temple, de l’eau jaillissait en direction de l’orient… Cette eau assainit tout ce qu’elle pénètre, et la vie apparaît en tout lieu où arrive le torrent » ; et Ap 22, 1 : « L’ange me montra l’eau de la vie : un fleuve resplendissant comme du cristal, qui jaillit du trône de Dieu et de l’Agneau ».

[2]  Ce nom de Thérèse dit d’ailleurs bien le mystère de notre Pâque : de l’Enfant Jésus à la Sainte Face, de la naissance à la mort, pour entrer dans la résurrection !

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